Etude Harris Interactive : Les joueurs, le 2ème confinement et le risque d’addiction

  • Post category:Actualités

ENQUÊTE HARRIS INTERACTIVE POUR L’AUTORITÉ NATIONALE DES JEUX

19.03.21

Etude réalisée en ligne auprès d’un Échantillon de 3013 personnes déclarant avoir joué à au moins un jeu d’argent au cours de l’année 2020, issu d’un échantillon de 5875 personnes représentatif des Français âgés de 18 ans et plus. Méthode des quotas et redressement appliqués aux variables suivantes : sexe, âge, catégorie socioprofessionnelle et région de l’interviewé(e).

Comment les joueurs ont-ils vécu le deuxième confinement et comment se projettent-ils dans l’avenir ? Quelle perception ont-ils des risques associés aux pratiques de jeu ?

Télécharger le rapport
Quels en sont les principaux enseignements ?

Alors que l’année 2020 aura été marquée par une crise sanitaire d’une ampleur sans précédent, ayant amenée les pouvoirs publics à instaurer deux périodes de confinement de l’ensemble de la population, et alors que l’année 2021 s’ouvre sous les mêmes auspices, l’Autorité Nationale des Jeux a sollicité Harris Interactive afin de réaliser une étude sur l’effet de cette situation sans précédent sur les habitudes des joueurs. Comment les joueurs ont-ils vécu le confinement et comment se projettent-ils dans l’avenir ? Quelle perception ont-ils des risques associés aux pratiques de jeu ? Pour répondre à ces questions, a été interrogé un échantillon représentatif des Français ayant joué à un ou plusieurs jeux d’argent au cours de l’année 2020 (jeux de tirage, jeux de grattage, paris sportifs, hippiques, poker, casino…) en ligne ou en point de vente.

L’état d’esprit des joueurs durant le deuxième confinement

A l’image de la population française, les joueurs ont été affectés moralement et économiquement par la crise sanitaire. Plus de 4 joueurs sur 10 se déclarent ainsi inquiets à l’idée de connaitre des difficultés financières dans les prochains mois (43%, et même 50% parmi les 25-34 ans).

Par ailleurs plus d’un tiers des joueurs déclarent se sentir plus tristes aujourd’hui qu’avant le début du deuxième confinement, et une proportion similaire se sentir plus angoissés. Notons que si les populations âgées de 25 à 50 ans se déclarent plus inquiètes que la moyenne, ce sont les joueurs les plus âgés qui se disent les plus tristes.

Cette inquiétude et les angoisses qui en découlent pour un certain nombre de joueurs sont à mettre en perspective avec ce que nous observons par ailleurs dans nos enquêtes auprès de l’ensemble des Français[1]. A ce titre, les joueurs évoquent des inquiétudes majoritairement partagées par la population française. Il était donc intéressant, à plus d’un titre, d’observer dans cette enquête quelles répercussions ont pu avoir ces conditions sanitaires si particulières sur une population, les joueurs, leurs perceptions et, in fine, leurs habitudes de jeu.

La pratique déclarée du jeu d’argent pendant le deuxième confinement

Les périodes de confinement que la France a connu en 2020 auront eu un impact non négligeable sur les habitudes de jeu sans pour autant les révolutionner. Parmi les joueurs ayant déclaré avoir joué au cours de l’année 2020, 75% indiquent avoir joué durant le deuxième confinement. On retrouve une légère surreprésentation des joueurs en ligne (80% des joueurs en ligne en 2020 ont joué durant le deuxième confinement), et c’est particulièrement le cas des joueurs hors tirage et grattage (donc ceux s’adonnant aux différents paris, poker et jeux de casino, 83%). Dans le détail on ne constate pas de vraie révolution dans la hiérarchie des jeux pratiqués : en grande majorité des jeux de tirage en point de vente (44%) ou en ligne (36%) ou encore des jeux de grattage en point de vente (39%) ou en ligne (23%).

Lorsque l’on demande aux joueurs du deuxième confinement leurs motivations pour continuer à jouer la majorité d’entre eux évoque l’attrait du gain monétaire (57%, et première motivation quelle que soit la catégorie de joueur) et la force de l’habitude (43%). Il est intéressant de noter qu’une part non négligeable des joueurs met en avant également la volonté de se changer les idées par rapport au contexte actuel (19%) mais aussi de profiter de plus de temps libre (14%) ou le fait de s’ennuyer durant ce deuxième confinement (12%).

Des différences générationnelles très nettes sont néanmoins à prendre en compte. Si les joueurs âgés de 65 ans et plus évoquent presque uniquement l’habitude de jouer (56%) et l’attrait du gain monétaire (55%), les plus jeunes mettent plus en avant l’ennui (36%), la volonté d’occuper du temps libre (30%) ou encore de se changer les idées (24%).

A l’inverse, les joueurs qui jouaient d’habitude mais déclarent ne pas avoir joué durant le deuxième confinement motivent leur absence de pratique par la volonté de ne pas dépenser d’argent (34%) mais également la difficulté, voire l’impossibilité de se rendre dans l’endroit où ils ont l’habitude de jouer (33%, et même 49% parmi les 50 ans et plus).

La projection sur ses activités de jeu en 2021

Quelles perspectives pour l’année 2021 dans ce contexte sanitaire et économique ? Ici encore, les projections qu’émettent les joueurs en déclaratif laissent présager d’une continuité néanmoins empreinte d’une certaine prudence. Ainsi, 8 joueurs actuels sur 10 pensent continuer à jouer au moins une fois par mois en 2021 (contre 5% envisageant d’arrêter les jeux d’argent).

Au global, plus de la moitié des joueurs souhaitent continuer à jouer en 2021 à une fréquence identique à celle à laquelle ils jouaient par le passé, tandis qu’un tiers d’entre eux (35%) envisagent de jouer moins fréquemment (sans nécessairement totalement arrêter) et 11% augmenter leur fréquence de jeu. Là encore des différences générationnelles importantes apparaissent : plus de la moitié des joueurs âgés de 18 à 24 ans souhaitent réduire leur fréquence de jeu en 2021 (55%). A l’inverse, près des deux tiers des joueurs âgés de 50 ans et plus pensent conserver la même fréquence de jeu. De même, ce sont les joueurs de jeux traditionnels (jeux de tirage ou jeux de grattage), au public plus âgé, qui envisagent le plus de poursuivre leur activité.

En termes de sommes consacrées au jeu, la continuité prédomine malgré les doutes d’une part des joueurs. Ainsi les 3/4 des joueurs qui souhaitent continuer à jouer en 2021 pensent dépenser autant d’argent que par le passé. Notons néanmoins que 22% d’entre eux pensent dépenser moins d’argent (ils sont même 40% parmi les 18-24 ans, aussi désireux d’y consacrer moins de temps).

Les joueurs « historiques » : un public de joueurs aux habitudes de jeu encore plus ancrées que la moyenne, que le deuxième confinement n’est pas venu bouleverser

En majorité les joueurs « historiques » (joueurs déclarant avoir joué en 2020 et les années précédentes) déclarent une continuité dans leurs habitudes de jeu depuis le début du deuxième confinement. Les deux tiers d’entre eux (66%) estiment ainsi avoir passé autant de temps à jouer que d’habitude lors du deuxième confinement, bien que 22% d’entre eux déclarent y avoir consacré moins de temps et 12% plus de temps.

Là encore les différences entre générations sont encore plus marquées : plus des 3/4 des joueurs historiques âgés de 50 ans et plus déclarent avoir joué autant que d’habitude, alors que c’est le cas d’à peine un joueur historique de moins de 35 ans sur deux.

On retrouve la même dynamique en termes de budget dépensé dans les jeux. Plus de 6 joueurs sur 10 déclarent avoir dépensé autant d’argent que d’habitude (et même 77% parmi les plus de 65 ans), 1 joueur sur 4 déclare à l’inverse avoir dépensé moins d’argent et 13% y avoir consacré un budget plus important.

Pour motiver leur pratique de jeu au cours du confinement, les joueurs historiques les plus « mordus » (ceux qui déclarent qu’ils jouaient plusieurs fois par semaine les années précédentes) évoquent plus que la moyenne des autres joueurs la force de l’habitude (54% déclarent avoir toujours joué et n’avoir pas changé ses habitudes contre 43% pour l’ensemble des joueurs), mais également, en mineur, le besoin ressenti de jouer (15% contre 9% pour l’ensemble des joueurs). Les motivations conjoncturelles comme le fait de disposer de davantage de temps libre ou de vouloir se changer les idées interviennent en revanche de manière marginale chez cette catégorie de joueurs.

On retrouve par ailleurs cette importance des habitudes, presque de « rituel », dans les motivations des joueurs historiques qui n’ont pourtant pas joué lors du deuxième confinement, la principale motivation évoquée étant le fait que l’endroit où ils avaient l’habitude de jouer se trouve trop loin de leur lieu de confinement ou inaccessible car fermé (38%). Une motivation qui pèse plus que le fait de vouloir éviter de dépenser de l’argent dans les jeux (30%) ou le sentiment d’avoir autre chose à faire en cette période (28%). A nouveau, c’est la contrainte matérielle qui a temporairement freiné le jeu de ces joueurs historiques durant le confinement.

Les « nouveaux joueurs » : un public restreint principalement jeune et captif, dans un contexte propice à leur initiation aux jeux

5% des joueurs de 2020 déclarent n’avoir jamais joué à des jeux d’argent au cours des années précédentes. Ils s’y sont donc initiés au cours de cette année 2020 si particulière. Notons que parmi les joueurs de 18-24 ans, ils sont 13% à avoir découvert le jeu en 2020. De même, ce sont notamment parmi les parieurs et plus encore parmi les joueurs de poker et de casino en ligne que se trouvent le plus souvent ces nouveaux joueurs.

Les raisons de cette « conversion » au jeu se retrouvent assez facilement dans leurs motivations. Ces nouveaux joueurs mettent particulièrement en avant le fait de disposer de davantage de temps libre (22% contre 14% pour l’ensemble des joueurs), le souhait de lutter contre un certain ennui (22% contre 12%), le besoin ressenti de jouer (14% contre 9%) et le fait d’avoir économisé de l’argent et de vouloir le dépenser (10% contre 6%). Dans un contexte incertain, laissant du temps disponible aux jeunes (étudiants, travailleurs en chômage partiel, etc.) l’aspect récréatif du jeu, et notamment du jeu en ligne semble donc avoir motivé pour un certain nombre leur découverte du jeu d’argent.

De plus, ces nouveaux joueurs semblent pour une part importante d’entre eux avoir été satisfaits par les expériences de jeu qu’ils ont découvert au cours de l’année, seulement 21% souhaitant y mettre un terme en 2021 et 49% indiquant même qu’ils souhaitent continuer à jouer au moins une fois par mois.

Un risque d’addiction aux jeux qui touche particulièrement les jeunes et les activités qu’ils affectionnent mais une volonté d’avoir recours à une aide encore assez faible

Interrogés sur leur parcours de joueur, un peu plus d’1 joueur sur 10 déclare avoir déjà eu du mal à garder la maitrise de leur activité de jeu, et c’est notamment le cas des jeunes joueurs (moins de 35 ans) et des parieurs, joueurs de poker en ligne et casino (entre un tiers et la moitié de ces joueurs contre 6% des joueurs de jeux de tirage et grattage uniquement).

Dans ce cadre, les services spécialisés d’accompagnement dans ces addictions n’apparaissent pas inconnus des joueurs. Près d’1 joueur sur 2 déclare ainsi avoir déjà entendu parler de Joueurs-info service ainsi que de centres de soin spécialisés et un tiers d’entre eux déclare par ailleurs avoir déjà entendu parler de SOS joueurs. Cependant, seule une faible part d’entre eux indique savoir précisément ce dont il s’agit.

Cependant la connaissance de ces services n’indique pas nécessairement la volonté d’y faire appel. Au contraire, après avoir invité les joueurs à réfléchir à ce qu’ils feraient s’ils devaient avoir besoin d’une aide afin de limiter leur activité de jeu, aucune des solutions présentées (incluant les structures de soins spécialisées mais également les personnes de leur entourage ou encore leur médecin traitant) ne rencontre une approbation majoritaire. A titre d’exemple, seuls 45% des joueurs déclarent qu’ils seraient prêts à se tourner vers des personnes de leur entourage s’ils avaient besoin d’être aidés afin de limiter leur activité de jeu, et à peine 51% pour les joueurs déclarant avoir déjà été débordés par le passé. Les services d’aides ne seraient contactés que par environ 4 joueurs sur 10.

Au global, près de 3 joueurs sur 10 indiquent qu’ils ne se tourneraient vers aucune solution disponible s’ils avaient besoin d’être aidés. C’est également le cas de 25% de ceux ayant déjà eu ce type de problème par le passé.

Plus précisément, 6% des joueurs ayant eu une pratique au cours du deuxième confinement déclarent avoir rencontré ce genre de problème durant cette période.

Notons que les jeunes joueurs semblent bien plus touchés que leurs aînés par ce phénomène : 16% des joueurs de 18 à 24 ans et 14% des joueurs de 25 à 34 ans déclarent avoir ressenti une perte de contrôle durant le deuxième confinement (contre 2% des 50 ans et plus).

Les nouveaux joueurs de cette année se montrent plus touchés encore par ces situations de perte de maitrise : un quart d’entre eux déclare avoir déjà été dans cette situation au cours du deuxième confinement. De la même manière les joueurs en ligne déclarent avoir été particulièrement confrontés à la situation, qu’il s’agisse des joueurs de paris sportifs (19%), de paris hippiques (20%), de poker (22%) ou de casino en ligne (23%).

Ces joueurs ayant connu des difficultés au cours du deuxième confinement sont en grande majorité (69%) des joueurs qui s’étaient déjà retrouvés dans une situation analogue par le passé. Ils sont également nettement plus inquiets que la moyenne des joueurs de connaître des difficultés financières au cours des prochains mois (70% contre 43%).

Cependant, seulement 47% d’entre eux envisagent de moins jouer à l’avenir (contre 39% souhaitent maintenir leur niveau de jeu malgré les problèmes rencontrés et 14% d’entre eux envisageant même d’intensifier leur pratique). De plus, si 41% d’entre eux envisagent d’en parler à leurs proches et un peu plus d’un tiers pensent se tourner vers les services d’accompagnements comme Joueurs-info service ou SOS Joueurs, ils sont 43% à indiquer qu’ils n’auront recours à aucune des solutions et acteurs proposés pour les accompagner afin de surmonter leurs difficultés.

Télécharger le rapport