Avril 2018
En décembre 2014, je rencontre Jo-Marie Collard, directeur sur le départ de l’association Rimbaud. Je dois faire quelques photos pour un article sur l’addiction dans le magazine Le Sociographe. Je ne sais encore rien ou presque de cette structure, si ce n’est qu’elle s’occupe de toxicomanie en plein centre ville de Saint-Etienne. Après une heure intense d’entretien, je suis scotché. Je découvre qu’un monde se cache derrière ces murs. Un monde où la toxicomanie et l’addiction deviennent des notions complexes de même que les façons de s’en occuper, de les prendre en charge et non simplement de les « traiter ». Les quelques heures que je souhaite y consacrer ne me paraissent plus du tout appropriées. La seule façon de comprendre quelque chose et de le restituer, est semble-t-il d’y consacrer du temps… Beaucoup de temps.
Finalement, je passe un an et demi à Rimbaud, au rythme d’une journée entière par semaine. Il a fallu ces journées pour me faire accepter, me faire comprendre et comprendre. Un an et demi aux cotés des éducateurs et des personnes accueillies, pour une plongée dans les relations complexes qu’ils entretiennent et tentent de persévérer coûte que coûte. Des clichés, au fils des mois, j’en prend beaucoup. Je recueille également des paroles, glanées d’ici de là. Chacun est porteur d’une histoire e nombreux sont ceux qui voudraient la raconter. Je propose d’enregistrer ceux qui le souhaitent et de reprendre à l’écrit leurs témoignages. Une parole libre, sans contrainte, sans question, avec pour seul échange un regard muet mais bienveillant. Avec ses récits je comprends beaucoup de chose sur l’addiction, la vie et le travail éducatif, mais surtout, je rencontre des humains aux parcours singuliers et des figures auxquelles nos propres peurs nous empêchent de donner un visage. J’ai regardé évoluer ces gens, d’un côté ou de l’autre de l’addiction, et j’ai cherché à montrer ce qu’il y à au delà des clichés. Ce n’est pas l’mage qui est belle, c’est le temps pris pour la faire qui permet de trouver beaux ce que l’on regarde.
