EDITO par Blandine FLEURET, psychologue au CHU de St Etienne – service TCA
L’alimentation est au cœur de la vie, elle en est une espèce de fil rouge, intimement lié aux émotions, sentiments, événements. C’est un lien entre intérieur et extérieur. L’image du corps est propre à chacun, elle est liée au sujet et à son histoire, se construit à force d’expériences agréables et douloureuses, à travers le regard des autres, dans la rencontre du corps des autres. Dans notre société, la minceur est synonyme de beauté, de maîtrise, de réussite; alors que le surpoids véhicule des images négatives. « Regarde toi, tu n’es qu’une grosse vache, qu’une répugnante obèse ». Face à la supposée faiblesse du gourmand, il y a la force de celui qui résiste au prix de l’isolement et de l’interdit. « Mon corps il représente la maîtrise, le contrôle ; comme si j’avais construit une œuvre d’art avec beaucoup d’efforts et de sacrifices et que je devais la détruire. »
L’adolescent est le héros d’un roman qui doit quitter sa maison, enveloppe plus ou moins protectrice, contenante, nourricière, pour découvrir le monde avec ses plaisirs et ses dangers. Le pédopsychiatre Philippe Jeammet évoque ce paradoxe adolescent qui oppose l’appétence à recevoir des adultes la force qui lui manque, et son besoin d’autonomie et d’affirmation. Ce n’est que dans l’après coup que l’on sait que c’est en acceptant de se nourrir des autres que l’on devient soi.
Ce travail de distanciation qu’ont à faire les adolescents et leur entourage est directement lié à la qualité de la sécurité interne, à des assises narcissiques suffisamment solides qui vont permettre la souplesse nécessaire à ce travail psychique.
La crise sanitaire a contraint les adolescents à rester à la maison. L’année 2020 a largement éprouvé notre quotidien personnel et professionnel ; la demande de soins pour Trouble du Comportement Alimentaire a considérablement augmenté et mis en situation critique nos capacités de réponse déjà en tension.
Les Troubles des Conduites Alimentaires (TCA) concernent près d’un million de personnes en France. Plus de la moitié d’entre elles ne sont pas dépistées et n’accèdent pas encore aux soins !
La Fédération Française Anorexie Boulimie (FFAB) coordonne au niveau national, la journée mondiale des TCA le 2 juin 2021. Partout en France : des conférences, des webinars, des témoignages, des instalives, des animations et de nombreux # et événements pour relayer l’information sur l’anorexie mentale, la boulimie, l’hyperphagie boulimique.
Cette journée du 2 Juin 2021 sera l’occasion d’un plaidoyer pour une intervention précoce et un traitement fondé sur des données probantes :
Les parents/familles sont des acteurs clés du traitement et du rétablissement de leurs enfants
Il faut supprimer les obstacles aux soins, surtout chez les sujets jeunes, les étudiants, et dans les populations les plus précaires
Les personnes atteintes de troubles des conduites alimentaires peuvent bénéficier de soins quel que soit leur âge et le stade de la maladie
LE CENTRE RÉFÉRENT
Troubles Comportement Alimentaire
Depuis 2015, le CHU de Saint-Étienne (CHUSE) s’est vu confier par l’Agence Régionale de Santé la mission de créer le premier Centre Référent des Troubles des Conduites Alimentaires (CRTCA) en France, afin de faciliter l’accès aux soins de personnes souffrant de troubles du comportement alimentaire via une prise en charge multi-disciplinaire.
LES MISSIONS DU CENTRE
Améliorer l’accès aux soins
Guichet unique pour accueillir les patients et leurs familles
Diagnostic pluridisciplinaire
Orientation après discussion en équipe pluriprofessionnelle
UNE ÉQUIPE DE PROFESSIONNELS SPÉCIALISÉS DANS LES TROUBLES DU COMPORTEMENT ALIMENTAIRE
Enfants (hors nourrisson), adolescents et adultes présentant une anorexie mentale, une boulimie ou des troubles non spécifiques du comportement alimentaire.
Le surpoids, les préoccupations autour d’une alimentation équilibrée et l’obésité ne constituent pas une indication pour le Centre Référent TCA en tant que telle s’il n’y a pas de TCA avéré associé.
Les unités de soins spécialisés se situent sur le site de Bellevue jusque fin 2021, puisque le CHUSE a mené de grands travaux pour que les équipes rejoignent le site du CHU Nord, afin d’être plus proches du plateau technique et pour resserrer les liens avec les équipes de somatique : endocrinologie et pédiatrie.
Les unités ont été créées en 2005. Elles sont rattachées au pôle de psychiatrie du CHUSE. Le service d’hospitalisation complète existe de manière spécifique depuis décembre 2009.
Il accueille jusqu’à 8 patients qui sont en grande majorité des adolescents et des jeunes adultes (de 13 à 25 ans en moyenne. Adultes plus âgés en ambulatoire).
Après indication par le CRTCA, les nouveaux patients sont reçus en primo-consultations, assurées par un infirmier de l’hôpital de jour et un médecin psychiatre, ou par le médecin psychiatre responsable du service.
Le projet de soin est ensuite établi et réévalué en réunion pluridisciplinaire, avec des indications de consultations spécialisées (psychothérapie, soins en psychomotricité, entretiens infirmiers, groupes, médiations etc).
Historiquement, des liens étroits se sont tissés entre les services spécialisés et le service de pédiatrie, qui assure le suivi des patients plus jeunes, et d’endocrinologie, pour les patients à partir de 16 ans.
Ce travail transdisciplinaire est précieux puisque les TCA nécessitent une prise en charge à la fois psychologique et somatique. De plus, les patients et les familles sont rassurés de savoir les soignants en lien autour de leurs suivis.
UNE ÉQUIPE PLURIDISCIPLINAIRE DÉDIÉE AUX TCA
L’équipe est composée de médecins psychiatres, d’un cadre de santé, d’infirmiers, de deux psychologues, d’une psychomotricienne, d’une aide soignante, d’agents de service hospitalier, et d’une diététicienne qui intervient ponctuellement.
Pour l’équipe soignante :
Pr Catherine MASSOUBRE, cheffe de service, responsable de pôle
Dr Baptiste RAVEY, responsable des unités
Mme Cathy MONTMEAS, cadre de santé de l’unité Infirmiers
Hospitalisation complète : 10,5 ETP Infirmiers (en poste de journée)
Hôpital de Jour : 5 ETP infirmiers, 1 ETP aide-soignant
Travaillant de manière transversale :
0,70 ETP psychologues
1 ETP psychomotricienne
LE PUBLIC ACCUEILLI AU SEIN DES UNITÉS TCA
Environ 200 patients sont suivis dans le service chaque année pour :
Et autres troubles des conduites alimentaires non spécifiés (EDNOS)
La tranche d’âge concernée varie entre 13 et 25 ans ; et un public plus âgé/adulte en hospitalisation de jour.
Majoritairement, nous accueillons un public venant de la région, issu des départements de Loire, Drôme et Ardèche. Il peut arriver que par collaboration avec d’autres centres spécialisés TCA, nous prenions le relais dans des prises en charge complexes pour des patients venant de toute la France. Majoritairement, notre public est féminin, ce qui correspond au ratio (1 garçon pour 10 filles souffrent de TCA), mais nous recevons également des garçons.
Pavillon 52 – Hôpital Bellevue CHU de Saint-Étienne Secrétariat du Pavillon 52 : Tél. : 04 77 12 77 78
QUELQUES REPÈRES DIAGNOSTICS
ANOREXIE MENTAL
Peur de grossir
Trouble de la perception du corps
Aménorrhée
soit forme restrictive pure,
soit forme boulimique avec vomissements, prise de laxatifs…
Pas d’association à des comportements compensatoires
Estime de soi basse
TCA ET ADDICTIONS
De nombreux auteurs se sont penchés sur la question des liens entre troubles du comportement alimentaire et addictions. Plusieurs éléments sont en faveur de l’inclusion des TCA dans le registre des addictions.
D’abord avec C. Olievenstein et sa définition de l’addiction dans « une interaction entre un sujet, un «produit» dans un certain «contexte», les TCA s’inscrivent également à un carrefour entre un sujet (dans ses dimensions corporelle et psychique), un objet, au sein d’un contexte familial et sociétal particulier.
Le terme d’addiction renvoie à la condition d’esclave et à la notion de corps. Contrainte par le corps, pour honorer une dette que l’on ne peut pas payer. Dans les TCA, le corps a une place centrale, il devient l’identité de l’adolescente, lorsque les ressources internes de cette dernière sont trop insuffisantes.
Il existe un continuum dans les TCA. Avec des « switchs », très observés en addictologie. J. MAC DOUGAL parle d’objets « transitoires » par opposition aux objets « transitionnels ». Les objets transitoires ne résolvent que momentanément la tension affective.
La prise en charge des TCA, comme en addictologie plus classiquement, est une prise en charge de longue durée, avec des pathologies chroniques, qui amènent les patient(e)s à de nombreux allers et retours entre les différentes structures spécialisées.
Les soins proposés reposent sur une approche pluridisciplinaire, chaque soignant ayant des approches et des moyens différents ; ils abordent plusieurs dimensions :
l’aspect psychologique avec différentes formes de psychothérapies (de soutien, d’inspiration analytique, cognitivo-comportementale → avec travail spécifique autour des fausses croyances, par exemple)
l’approche somatique (surveillance des éventuelles complications mais tout particulièrement des soins corporels sous diverses formes)
la dimension diététique
une prise en compte de la dynamique familiale
UN CADRE DE SOINS PARTICULIER
Avec Philippe Jeammet, « Si vouloir contraindre ces patient(e)s à guérir est un piège narcissique dangereux, il serait encore plus risqué de les abandonner à l’évolution spontanée de leur comportement » ; il s’agit bien plutôt de « naviguer entre deux écueils » et non de « faire coller la patiente au cadre ou de faire coller le cadre à la patiente »
D’où une position institutionnelle et de chaque membre de l’équipe très intégrative : dans la combinaison de plusieurs approches. Les soignants de l’équipe viennent de différentes « cultures ». Tout en s’appuyant sur une école de pensée de base, axée sur une certaine pratique, ils ont une vision transversale de plusieurs pratiques.
La notion de thérapie intégrative se structure autour d’un constat issu d’études menées dans les années 1980.
Après identification de la demande du patient, les soignants mettent en place avec lui le chemin à suivre. Cela se caractérise par l’intégration d’apports provenant de courants théoriques divers et par l’utilisation d’une ou plusieurs pratiques.
Parmi celles-ci, les pratiques psychocorporelles peuvent être intégrées dans cette psychothérapie intégrative, comme fil rouge tout au long du suivi ou à un moment précis de la thérapie. Les objectifs sont divers : développer la présence à soi, explorer la sensorialité ou verbaliser à partir d’expériences corporelles.
Tout comme les patients, la psychothérapie est plurielle.
Loin d’être des techniques, les pratiques psychocorporelles et de santé intégrative sont un art de la communication et de la relation. Autre composante de la psychothérapie intégrative : l’attention et l’importance du lâcher-prise.
L’OFFRE DE SOINS
Dans cette pensée, nous proposons un programme de soins individualisés. L’offre de soins se décline en trois temps et lieux :
Le temps de l’ambulatoire, CATTP (Centre d’Accueil Thérapeutique à Temps Partiel)
Le temps et le lieu de l’hôpital de jour
Le temps de l’hospitalisation complète
La prise en charge des adolescents ou jeunes adultes se fait en ambulatoire, en hospitalisation de jour, ou en hospitalisation complète selon l’état somatique et psychiatrique du patient et selon les ressources psychologiques de la famille. L’ambulatoire est toujours privilégié sur l’hospitalisation complète qui est proposée lorsque la prise en charge ambulatoire est en échec.
Différents outils sont proposés :
Groupe d’accueil
Groupe motivationnel
Médiations thérapeutiques groupales dispensées à l’extérieur ou à l’intérieur de la structure de soins
Soins individuels : soins relaxants, soins de psychomotricité
Rencontres familiales (thérapie de soutien, thérapie au long court)
Groupe thérapeutique multi familial
L’orientation thérapeutique s’organise autour de plusieurs axes :
Proposer dans la mesure du possible des alternatives ambulatoires à l’hospitalisation à temps complet, sous forme de consultations ou d’hospitalisations de jour. L’hospitalisation à temps complet est réservée aux cas médicaux ou psychiatriques graves (en dehors des cas somatiques graves nécessitant une hospitalisation en réanimation) ou aux patients dont les familles n’ont pas ou plus les ressources psychologiques nécessaires à une prise en charge ambulatoire, ou encore dans des tentatives de « recadrage », de « réassurage », notamment chez les patientes boulimiques pour leur proposer d’éprouver un temps de rupture avec les crises
Penser et proposer la séparation de la patiente et de sa famille comme un temps de séparation d’avec le cadre de vie global habituel, où les dérèglements des rythmes de vie étaient tels qu’il y a nécessité d’un temps de réaccordage
Adopter une approche pluridisciplinaire regroupant les dimensions médicale et psychiatrique, psychologique, corporelle (psychomotricité), diététique, cognitive et comportementale, éducative et familiale
Proposer des groupes à médiations (relaxation, esthétique, jeux, repas thérapeutiques, groupes créatifs, etc.)
Prendre en compte le corps à travers des dispositifs de soins individuels et groupaux, psychomotricité, balnéothérapie…
Organiser la prise en charge en s’appuyant sur l’approche familiale pour donner une place primordiale à la famille en tant que partenaire de soins
LA MUTUALITÉ FRANÇAISE-AÉSIO propose un dispositif d’accompagnement en faveur des personnes présentant des Troubles des Conduites Alimentaires (TCA)
La Mutualité française Loire – Haute Loire SSAM propose, à titre expérimental, un accompagnement psycho-socio-éducatif à des personnes adultes présentant des Troubles des Conduites Alimentaires vivant à domicile.
Pour s’adapter aux conditions sanitaires, les Rencontres Thématiques 3 et 4 seront donc des Rencontres Visio-Thématiques, rendez-vous à 18h30 précise en ligne, via Microsoft Teams !
Pensez à vous inscrire préalablement pour recevoir le lien de connexion
Nouveaux horaires 2021 : 18h30 – 20h30
Rencontre Visio-Thématique N°3
“Addictions et substances psychoactives psychédéliques”
Généralités pharmacologiques sur la classe des psychédéliques
Exposé des recherches passées et contemporaines sur ces substances dans le traitement des addictions
Animée par Mr Vincent VERROUST Centre Alexandre-Koyré (CNRS – EHESS – MNHN) chercheur associé à l’Institut des humanités en médecine (Centre hospitalier Universitaire vaudois, Lausanne) consultant pour les thérapies psychédéliques à l’Hôpital Paul Brousse-Villejuif (Unité de recherche PSYCOMADD)
Les séances des Lundis de Loiréadd’ se déroulent en version digitalisée et ouvrent si le nombre d’inscrits est suffisant :
Prochaines séances en MAI :
17 Mai : Sophrologie,
24 MAI : Pas de séance FÉRIÉ
31 Mai : Tabacologie
Pensez à proposer cet accompagnement également à vos patients, le seul pré-requis est qu’ils soient majeurs.
Séance gratuite mais inscription obligatoire avec une adresse mail valide pour recevoir le lien de connexion.
Pas de séance
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INFOS PARTENAIRES
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